Au 8e étage du 1170, rue Peel, les bureaux de Claridge, la société d'investissement de Stephen Bronfman, étaient
décorés jusqu'à cet automne d'une collection d'art canadien moderne et contemporain. Leur rénovation récente s'est
accompagnée de la vente de cette collection et la constitution d'un nouvel assemblage d'oeuvres que La Presse a pu
visiter en primeur, dans le cadre du programme SéminArts mis sur pied par la Fondation de la famille Claudine et
Stephen Bronfman.
«Cela fait 30 ans qu'on est dans ces locaux, alors on a profité de la rénovation pour constituer une collection
plus contemporaine», dit Stephen Bronfman devant L'abîme de la Liberté, une sculpture de Michel de Broin où la
statue d'Auguste Bartholdi est représentée la tête en bas. Stephen Bronfman voulait la mettre à l'entrée des
bureaux mais il s'est gardé une petite gêne: Claridge a pas mal de clients américains...
Avec le concours constant de sa femme Claudine, l'homme d'affaires a acheté plusieurs dizaines d'oeuvres d'art
depuis deux ans. Comme toujours pour leurs résidences personnelles mais aussi désormais pour Claridge, faisant des
locaux de la firme un lieu à faire pâlir d'envie bien des conservateurs de musées d'art contemporain. Leur choix a
été guidé par Judy Strapp, conservatrice de la collection Claridge.
«On passe beaucoup de temps au travail donc on a voulu recréer un climat agréable dans les bureaux, dit M.
Bronfman. Je n'aimais plus les oeuvres qui étaient accrochées aux murs.» À l'exception de quelques oeuvres
achetées par des employés, l'ancienne collection a été vendue aux enchères à Toronto en novembre au profit
d'Historica Canada. Constituée par Franklin Silverstone, elle comprenait des oeuvres du 20e siècle, dont un grand
nombre de poteries.
Aujourd'hui, les bureaux n'ont plus la même atmosphère. Près de l'oeuvre de Michel de Broin, le couple a placé la
rougissante Bay Blanket Moon de la peintre manitobaine Wanda Koop ainsi qu'une photo d'Edward Burtynsky sur le
grouillant chantier du barrage des Trois-Gorges, en Chine.
Photographie
La photographie est une des passions de Claudine et Stephen Bronfman. Parmi celles de la collection, citons
Rouille, une magnifique impression photographique de Nicolas Baier, ainsi qu'un autre cliché de Burtynsky, de sa
série aérienne sur l'impact de l'agriculture en Espagne. Une photo qui fait penser à un casse-tête.
Il y a aussi les photos de moisissures du Torontois Jon Sasaki, Death in Absentia 4, une photo d'Isabelle Hayeur
sur le cimetière de bateaux de Staten Island, les photos circulaires de Luc Courchesne, Two Bears Panorama, la
photo dédoublée d'une scène polaire de Sarah Ann Johnson, ou encore le demi-chou chinois (Cabbage Flower # 2) que
Chi-Chien Wang avait oublié dans son réfrigérateur et qui avait repoussé!
Parmi les peintures, à noter The Living Dead, une belle toile forestière du Britanno-Colombien Rick Leong, ou
encore Self-Portrait in 3/4 Sleeve Shirt, un autoportrait surprenant de Kim Dorland.
Sculpture
La sculpture n'est pas en reste. La collection comprend Iconocraste au bat I, un bâton de baseball qui se moule
dans le col d'un vase en porcelaine, de Laurent Craste, Altar Table, une table en érable de Michael C. Fortune,
Dead Star, le hérisson en piles usagées que Michel de Broin a exposé l'été dernier au MAC pour son solo La vie des
choses, ou encore la sculpture à cône de licorne de David Altmejd que Stephen Bronfman juge «terrifiante, mais
très très cool»!
Les artistes ont parfois participé à l'installation des oeuvres. C'est le cas de Susan Edgerley venue replacer sa
sculpture Seed Sower Series «From the One» pour qu'elle soit en harmonie avec la nouvelle configuration des lieux.
«Ç'a été comme une renaissance pour cette oeuvre que nous possédons depuis longtemps», dit Stephen Bronfman.
Le bureau du président de Claridge et ex-boss du Canadien de Montréal, Pierre Boivin, est loin d'être en reste
avec un papier shoji découpé d'Ed Pien et une toile de Kent Monkman. Celui de Stephen Bronfman contient une
sculpture de Marcel Dzama et deux de Valérie Blass intitulées Pied, tête, main.
Bémol
Le seul bémol qui ressort d'une visite de ces lieux est le manque de cartels. Les auteurs de chaque oeuvre sont
identifiés mais pas le titre. Dommage. Une oeuvre sans cartel complet est comme un livre sans titre. Amputée.
La collection d'entreprise, non encore terminée, représente un investissement important, mais Stephen Bronfman
précise que les oeuvres ne sont pas toujours à des prix exorbitants.
«Il y en a entre 700 et 50 000$», a-t-il glissé lors de la visite. Il semble que la réputation de la collection
Claridge fasse même parfois baisser les prix...
«Toutes les galeries savent que Stephen monte sa collection, dit Nancy Rosenfeld, présidente de la Fondation de la
famille Claudine et Stephen Bronfman. Elles veulent être présentes et font donc des prix.»
«C'est vrai qu'on a établi de bonnes relations avec les marchands d'art, ajoute Judy Strapp. Ils nous font de
bonnes offres!»
Par Éric Clément
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